GAZA : D’un désastre humanitaire à une « fosse commune »
De nouvelles frappes israéliennes ont, selon les secouristes, coûté la vie à au moins 40 Palestiniens jeudi dans la bande de Gaza, où un collectif d’ONG a exhorté Israël à laisser entrer l’aide humanitaire, seule « ligne de vie » pour la population. Pour MSF, Gaza est devenue une « fosse commune ».

La photo bouleversante d’un garçon palestinien de 9 ans, qui a perdu ses deux bras en fuyant une attaque israélienne à Gaza, a remporté jeudi le premier prix du World Press Photo 2025. Une photo qui témoigne du désastre humanitaire que vivent les civils en majorité des femmes et des enfants et ce dans l’indifférence quasi générale du reste du monde.
L’image, capturée par la photographe palestinienne Samar Abu Elouf pour le New York Times, est un portrait du jeune Mahmoud Ajjour, évacué à Doha après qu’une explosion lui a arraché un bras et mutilé l’autre l’année dernière.
« Travailler sur ce projet a été une expérience unique mais douloureuse », a déclaré Mme Abu Elouf lors de la remise des prix à Amsterdam.
« Les enfants palestiniens ont payé un lourd tribut aux horreurs qu’ils ont vécues. Mahmoud est l’un de ces enfants », a ajouté la photojournaliste autodidacte.
Originaire de la ville de Gaza, Mme Abu Elouf est la première photographe palestinienne à remporter le World Press Photo.
Evacuée de l’enclave en décembre 2023, la photojournaliste tire le portrait de Palestiniens blessés par la guerre, installés à Doha.
« L’une des choses les plus difficiles que la mère de Mahmoud m’ait expliquées, c’est que lorsque Mahmoud a réalisé que ses bras étaient amputés, la première phrase qu’il lui a dite a été : « Comment vais-je pouvoir te serrer dans mes bras », a déclaré la photographe.
– Une photo « qui parle très fort » –
« C’est une photo silencieuse, qui pourtant parle très fort. Elle raconte l’histoire d’un garçon, mais aussi d’une guerre encore plus large qui impactera les générations futures », a déclaré Joumana El Zein Khoury, directrice exécutive de World Press Photo.
Le jury a salué la « forte composition et l’attention portée à la lumière » de la photo, ainsi que son sujet qui donne à réfléchir, en particulier sur l’avenir de Mahmoud.
Le garçon apprend maintenant à jouer sur son téléphone, à écrire et à ouvrir des portes avec ses pieds.
« Mahmoud a un rêve très simple: il veut obtenir des prothèses et vivre sa vie comme n’importe quel autre enfant », ont déclaré les organisateurs du concours dans un communiqué.
La photographe a également attiré l’attention sur le sort incertain de son collègue, blessé lors de frappes israéliennes sur une tente de journalistes à Khan Younès le 7 avril.
« Il m’est difficile de me réjouir quand l’un de mes meilleurs amis photographes à Gaza, Ihab al-Burdini, est blessé », a-t-elle déclaré, brandissant des photos du journaliste hospitalisé.
Israël a aussi exclu l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, où il assiège quelque 2,4 millions de Palestiniens depuis le début de la guerre déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien.
Après deux mois de trêve, l’armée israélienne a repris le 18 mars ses bombardements aériens puis son offensive terrestre dans la bande de Gaza, le Premier ministre Benjamin Netanyahu estimant qu’une pression militaire accrue forcerait le Hamas à rendre les otages enlevés durant l’attaque du 7-Octobre.
La trêve du 19 janvier au 17 mars avait permis le retour en Israël de 33 otages, incluant huit morts, en échange de la sortie d’environ 1.800 Palestiniens des prisons israéliennes.
– « Fosse commune » –
« Aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza », a affirmé de son côté le ministre de la Défense, Israël Katz, dont le pays accuse le mouvement islamiste palestinien Hamas de détourner l’aide.
Israël bloque l’entrée de l’aide humanitaire depuis le 2 mars dans Gaza, où le Bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) a parlé de « probablement la pire » situation humanitaire depuis le début de la guerre.
« Gaza est devenue une fosse commune pour les Palestiniens et ceux qui leur viennent en aide », a dénoncé l’ONG Médecins sans frontières (MSF).
« Nous assistons en temps réel à la destruction et au déplacement forcé de toute la population de Gaza », a dit Amande Bazerolle, coordinatrice d’urgence de MSF à Gaza.
L’attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 58 sont toujours retenues à Gaza, dont 34 sont mortes, selon l’armée israélienne.
Selon le ministère de la Santé du Hamas, au moins 1.652 Palestiniens ont été tués depuis le 18 mars, portant à 51.025 le nombre de morts à Gaza depuis le début de l’offensive de représailles israélienne il y a 18 mois.
– « Quelle est la faute des enfants ? » –
« On a accepté la faim, de tout perdre, les privations, la perte de notre père, de notre mère, de proches mais quelle est la faute de ces enfants? », demande Soheir, une déplacée palestinienne qui a perdu sa soeur dans une frappe à Gaza-Ville.
Environ 500.000 Palestiniens ont été déplacés dans la bande de Gaza depuis le 18 mars, a indiqué l’ONU alors que près de la totalité des habitants du territoire ont été déplacés plusieurs fois depuis le début de la guerre.
La petite enclave souffre d’une pénurie de nourriture, d’eau, de carburants et d’autres produits de première nécessité, selon l’ONU et les organisations humanitaires.
